Promenade du soir. (pv Galdor et Nerïx)

Je me baladais de branches en branches, sur la pointe des pieds, sous la lumière dorée du coucher du soleil. Les bras écartés, je tentais de me maintenir en équilibre. Mais ce dernier n'avais pas besoin d'aide, il était presque parfait. Pour effectuer mes acrobaties, j'avais rangé mon arc avec mes flèches dans mon dos, facilitant ainsi mes déplacements. Je ne regardais pas mes pieds, ces derniers me guidant presque.
Je me souvenais quand papa et maman me grondait parce que je grimpais dans l'olivier qui était dans notre jardin. S'ils me voyaient à ce moment précis, perchée à plus d'une trentaines de mètres du sol, ils s'égosilleraient ou tomberaient dans les pommes. Mais j'avais grandis, je faisait plus attention et je savais ce que je faisais à présent.

Mais soudain, un bruit, infime soit-il, me perturba dans mon entraînement de funambule. C'était un bruissement de feuilles.
Pendant un instant, je restais suspendue dans mes mouvements: un pieds devant l'autre, les bras tendus à l'horizontale dans les airs...
Tous les sens en alerte, je repris mon chemin, mais en courant sur les branches cette fois. J'avais analysé d'où m'était parvenu le bruit. Je sautais d'arbres en arbres avec une nouvelle énergie, loin de la balade tranquille que j'avais entamé quelques instants à peine.
A chaque pas je sentais que je m'approchais. Je distinguais au travers des feuillages du masse brune. Souriant à demi, je portais une main à mon carquois le plus discrètement possible. Je bandais mon arc, prête à tirer. C'est alors que le sanglier entra dans mon champ de vision, entre deux branches feuillues.
Je lâchais la corde.
Ma flèche alla se planter dans le flan de l'animal sans que ne sang ne se répande sur sa fourrure.
Souriant, je me laissais tomber au sol, serrant mon arc contre ma poitrine. Les trente mètres qui m'avaient séparés de la terre ferme ne m'avaient pas fait peur. En revanche, ma mère serait tombée dans les pommes si elle m'avait vue.

Je m'approchais prudemment du sanglier mort. M'agenouillant près de lui, je récupérais ma flèche en prenant soin de ne pas abîmer la chair. Je la nettoyais de son sang avec une feuille et redirigeais mon attention sur la victime.
Parfait. La fourrure était intacte. On pourrait croire que l'animal est décédé de sa belle mort.
Combien de temps me restait-il jusqu'au village le plus proche ? Environ une ou deux lieues. Peut être un peu plus.
J'évaluais le poids de l'animal. Une bonne dizaine de kilos, si ce n'est plus. Je me pinçais les lèvres.

C'est malin, soufflai-je d'une voix dure.

J'aurais dû réfléchir avant de tirer. Je ne savais pas si j'étais capable de porter le sanglier jusqu'au prochain village pour le vendre.
Je secouais la tête de mécontentement.

Je ne saurais évaluer le temps passé depuis que j’avais quitté l’Elfe et le jeune Larwyn, à errer sans m’arrêter à travers forêts et plaines. Trois lunes au bas mot. Autant de temps passer sans faire la moindre rencontre avec une espèce intelligente, non pas que je ne considère les animaux sauvages comme dénués de raison ainsi que d’une quelconque forme de logique ou d’une capacité de compréhension. Certaines de ces créatures peuvent se révéler particulièrement surprenante. Les mondes que j’ai eus le loisir de visiter et étudier, durant ma formation d’Archiviste, ne faisait que confirmer cette idée. Les plus surprenantes d’entre-elles étant sans les moindres hésitations les Dragons. Tous les mondes que j’ai jadis visités en avaient des représentants, mais aucun monde ne possède la même définition du Dragon. J’étais d’ailleurs assez curieux de pouvoir étudier ce qu’étais un Dragon dans ce monde, étais-ce des créatures dotées de capacités défiant le réel ainsi que le matériel ? Ou alors des êtres humanoïdes aux particularités génétiques les rendant incomparable à leurs paires. Tellement de variables, une infinité de possibilité. J’en venais à regretter d’avoir laisser Larwyn, il aurait pu être un moyen pour moi d’accéder à mes réponses. Au moins je savais que les Dragons de ce monde était ovipares, une espèce reptilienne ? Insectoïde ? Trop de probabilités.

Je stoppais mon avancée incessante, alerté par un bruissement en provenance des arbres. Très faible, mais dans le calme éphémère de cette forêt, je n’entendais que lui. Des feuilles tombant les unes à la suite des autres, comme dessinant un chemin confirmait ma pensée première. Quelque chose se déplaçait. Animé par la curiosité et ma soif de connaissance insatiable, je me mis en route, pistant avec attention cette entité inconnue. Suivre sa piste fut plus compliqué que prévue, le bruit s’affaiblissait de plus en plus et les feuilles cessaient de trahir sa présence auparavant flagrante. Je cessais toute forme de poursuite, déçu. Visiblement, je n’aurais pas de réponse aujourd’hui et probablement jamais, sur ce qu’était cette mystérieuse entité en mouvement perpétuel.

Je tournais mon regard en direction de feuillage au loin, les déplacements d’un sanglier venait d’attiré mon attention. Un beau spécimen de son espèce, j’étais forcé de le reconnaître. Cependant, tandis que je l’observais, il s’effondra soudainement, une flèche logée dans son corps. L’attaque furtive fut fatale pour la bête. C’est alors qu’une jeune fille tomba du haut des arbres, se réceptionnant souplement sur la terre ferme. Il ne me fallut pas longtemps pour comprendre que c’était cette jeune personne que je pistais il y a peu. D’ici, elle me semblait décontenancée par son gibier, aurait-elle sous-estimé un détail quelconque ? Ou au contraire surestimé ses capacités ? Je me rapprochais d’elle sans un bruit, comme porté par la brise de la forêt jusqu’à ses côtés. Je l’étudiais du regard, dans ses moindres détails, avant de porter mon regard sur son trophée de chasse. Aucune trace de sang, un tir parfaitement exécuté, l’absence de flèche ferait presque penser à une mort naturelle. Je reportais alors mon attention sur l’archère, elle me semblait jeune mais ses compétences n’étaient pas à prouver, c’était indéniable.

"Étais-ce vraiment nécessaire ?" Disais-je d'une voix lourde.

Cela faisait maintenant au moins trois jours que j'avais quitté la clairière en laissant le jeune porteur de Dragon et que je suivais l'être d'énergie. Nous avons traversés plusieurs forêts et plaines et à part quelques animaux par ci par là, personne ne semblait vivre dans ces régions pourtant propice à la vie. Le fait d'avoir trouver un Dragon, ou tout du moins l’œuf de celui ci, m'encourageait dans ma quête. Peut être qu'en suivant l'être, je tomberai sur une bien bonne surprise. D'ailleurs, il ne semblait pas avoir remarqué ma présence. Je me déplaçais le plus silencieusement possible en laissant une distance raisonnable entre lui et moi ; ne connaissant pas ses possibilités, je préférais être des plus prudents. Parfois il lui arrivait de retourner sur ses pas, comme s'il savait que j'étais là, mais l'ombre de la forêt était mon alliée et me permettait de me dissimuler le temps qu'il se rassure que rien ni personne ne le suivait.

Je commençais à trouver le temps assez long, non pas que je sois fatigué, mais plutôt ennuyé de le suivre. Mes oreilles se dressèrent lorsque le son d'un bruissement de feuilles vint frôler celles-ci. Je vis alors du coin des yeux l'être d'énergie se diriger vers l'endroit d'où cela provenait, et j'entrepris d'arriver avant lui. Je commença à courir à travers les arbres, esquivant de justesse les branches rebelles qui s'étaient développées en dehors du chemin normal de croissance et j'entendais le bruissement se faire de plus en plus intense à mes tympans. C'est alors que j'entendis le frottement d'une corde contre le bois d'une flèche puis quelques secondes après, le bruit du cône en métal pourfendant l'air suivi de sa puissante et rapide pénétration dans la chair. Ce tir avait était net et précis, et également mortel. Je m'approchais encore un peu et pu apercevoir le cadavre d'un sanglier duquel s'approchait... une jeune elfe !

Mon étonnement fut tel que je ne pu m'empêcher de l'exclamer et alors que l'être d'énergie s'adressait à la jeune archère, je sortis des fourrés. La surprise se lisait facilement sur leur visage, et je lança alors :

<< Excellent tir. J'aurai dû me douter que seul un Elfe pouvait tirer ainsi. >>

Mes oreilles se dressèrent sous ma cascade de mes cheveux blonds. Deux bruissements de feuilles avaient attirés mon attention, me détournant de ma victime bien trop lourde pour mes bras. Je n'eu aucun mal à discerner la raison de ces bruits. Des individus. Je me figeais, n'esquissant plus un geste, me muant en statue. J'entendais le battement rythmique de mon coeur résonner dans le silence de la forêt.
Ces personnes pouvaient être n'importe qui. Dangereux ou non. Dans le doute, je sortis silencieusement une seconde flèche de mon carquois et l'encochais à mon arc. Je me levais en tirant doucement sur la corde, scrutant les alentours, m'attendant à voir sortir des fourrés un bandit ou autre.
Je retenais mon souffle, comme me l'avait apprit mon père, m'apprêtant à tirer.

Un homme émergea en premier des feuillages, rivant sur moi un regard admiratif et cependant attristé. Je tirai sur ma corde, plaçant ma flèche contre ma joue, près de mon oeil.
Mais je ne tirai pas. L'homme me demanda si mon agissement avait vraiment été nécessaire. Je fronçais légèrement les sourcils, abaissant lentement mon arme.
Je vis le regard de l'homme se placer sur ma victime, le sanglier. Je compris alors. Oui, cela avait été nécessaire. Je vivais seule, arpentant de long en large les étendues forestières. Il fallait bien que je me nourrisse. Tout gibier qui se trouvait dans la ligne de mire de ma flèche y passait, malgré mon amour pour les animaux. Je prenais donc grand soin à leur assurer une mort rapide et propre, sans souillures de sang.
Je m'apprêtais à répondre à l'homme lorsque un autre bruissement de feuillages attira mon attention. Je n'au pas le temps de bander mon arc. Un jeune homme sortit de derrière un arbre, frappant ses mains l'une dans l'autre. Je remarquais qu'il affichait un large sourire admiratif, me félicitant pour mon tir. Je me sentie légèrement gênée. Hormis mon père, personne ne m'avait vue tirer. Je n'avais donc reçu aucune parole admirative hormis la sienne. Cependant, je vis dépasser de sa chevelure brune des oreilles pointues, semblables aux miennes. Mes lèvres s'étirèrent en un sourire de soulagement. Un autre de mon espèce. Je n'avais donc aucune raison de le craindre.

Je rangeais mes deux flèches dans mon carquois et passais mon arc en bandoulière. Je me retrouvais face à deux hommes qui avaient une opinion différente sur ce que je venais de faire. L'un était admiratif tandis que l'autre attristé.
Je me mordis les lèvres.
Je décidais en tout premier lieux de me présenter. C'était la moindre des choses.

Je ne m'attendais pas à ce qu'on m'observe, dis-je. Je me nomme Kindra, Elfe.

Puis, je me tournais vers l'homme attristé, pour répondre à sa question qui m'avait transperçée le coeur. C'était ma seule façon de rester en vie.

Oui, approuvais-je d'un signe de tête. C'était nécessaire. Je suis une vagabonde, je ne vis que de ce que je chasse. Ce sanglier se trouvait sur mon chemin et je pourrais en tirer un bon prix, ce qui me permettrai de vivre quelques temps. Je suis désolée si ce spectacle vous a attristé mais j'ai fait en sorte qu'il ai une mort rapide et simple.

Je m'attardais un instant sur l'expression qu'affichait l'homme. Je pouvais comprendre son choc. Un Elfe tuant un animal n'était un fait que l'on voyait souvent. Puis, je me tournais vers mon semblable. Je sentais la pointe de mes oreilles rougir en repensant qu'il avait été le premier me complimenter sur mon habileté à tirer.

Je vous remercie, murmurai-je d'un voix à peine audible. Cependant, je n'ai pas été maligne. Ce gibier est bien trop lourd pour mes bras et je serais contrainte de l'abandonner ici...